Un tableau rend immédiat un quotidien "ancien".
A la vue du visage d'une femme, vous voyez à la fois la femme peinte, la femme qui a posé, et le peintre entrain de travailler.
Pendant qu'il travaillait, il y avait des bruits de la rue, une porte fermée que quelqu'un a peu être ouverte, une interruption quotidienne dans le travail, tous ces évènements qui sont gommés par la mise en seine très normalisante d'un musée et la sacralisation des auteurs des toiles.
Dès qu'on utilise des mots comme "génie, "chef d'œuvre", on élimine le quotidien de ces personnes, leurs promenades dans la ville, leurs troubles, leurs repas, leurs aventures, etc.
Un musée, tout en mettant ces œuvres à disponibilité du tout venant, en les rendant visible, dresse tout un tas de frontières, paradoxalement entre vous et le tableau.
Vous êtes en un coup d'œil déplacés dans une réalité ancienne qui se retrouve à vos côtés: toute la domestication des valeurs espace-temps, et ses séparations: lieu géographique/passé/futur/présent se retrouvent tête en bas, toutes chamboulées.
Ce corps debout et mesuré, entouré d'un paysage et organisations normifiées tel que le musée; ce corps, d'un coup, perd pied.
Aussi, une distorsion du temps possible, un vertige dans ce musée viendrait de ce que le peintre travaille longtemps et seul, alors qu'une visite se fait en présence d'autres, et de manière rapide: on ne reste pas dans un musée aussi longtemps qu'un peintre a travaillé!
Aussi, le musée recrée un quotidien factice, et il est un lieu où les corps se frôlent, se slaloment sans jamais se rencontrer, comme un érotisme rentré, nié, camouflé.
Le tableau, au contraire, représente la sphère privée, où il est réalisé de longues heures dans un temps étiré et où on imagine que tout peut avoir lieu.
Montrer des objets de solitude dans un lieu considéré comme public, normal, banal, dans tous les guides, parcours standardisé du touriste, lieu presque anesthésiant,fabrique un frottement qui peut créer distorsion.