On est dans la Daech

Une femme qui a eu ses règles aurait été mangée par un ours.

Joseph va sur le deep web, c’est comme le dark web, les sites non répertoriés par Google, il y est allé pas pour s’inscrire au Djihad, ni pour acheter des nouvelles drogues en pixels, il sait planter des radis numériques,  il y est allé pour voir s’il pouvait acheter un ours.

Il a un ami qui s’appelle Janus et sa sœur Clitorine.

On y croit moyen, mais il dit que c’est vrai.

 

On dit souvent que les faux monnayeurs trouvent des tactiques de fabrication qui vont aussi vite que les méthodes de sécurisation, ou que les voleurs trouvent toujours autant de tactiques que les banques pour voler, que les banques pour sécuriser.

 

Face au libéralisme boosté au diesel, les armes restent souvent de vieux outils rouillés,  pour protester, et face au cynisme de Monsanto, Areva ou Sanofi rares sont les groupuscules issus du peuple qui se forment pour aller les dévaliser, pas d’armée spontanée de dix mille hommes.

Des accros de l’internet, en baskets jogging serial killer, les rois des forums, web cam porno à la ceinture, partir en guerre le long des routes et défoncer Monsanto avec des carabines à pixels.

À part les hackers, peu repérables, on a encore jamais vu d’armées spontanées qui partent dévaliser un des 80 plus riche du globe pour rendre les tunes à un continent entier.

 

Tout s’est accéléré, la France garde son vieux fond « c’est pas moi, c’est lui », de la deuxième guerre où tous étaient vus comme résistants d’un coup d’un seul en 45.

La France n’a toujours pas admis son cynisme et sa cruauté lors de la guerre d’Algérie, sa perversité quand à sa police qui formait des profs de tortures envoyés dans les dictatures sud-américaines.

 

On a vécu les années 80,90 et 2000, pèpère, les robinets qui coulent de fruits, nos petits théâtres, nos scènes nationales, enfants gâtés qui partaient se ressourcer dans le monde quand ça flanchait un peu, et aujourd’hui, on tombe de haut de voir qu’un village du sud du pays a vu 20 jeunes de la commune partir au Djihad.

 

Pendant que la télé après avoir été presque underground devenait un outil  de propagande de la droite niçoise, la culture devenait un outil de propagande socialiste.

 

 

On a asséné la laïcité comme si de rien n’était, sans se poser de questions, fiers de notre séparation de l’église et de l’état.

 

Or laïcité plus libéralisme plus rationalisme européen plus déni des conséquences des colonisations fabrique une formule détonante de calme plat, de douceur molle et apparente, d’individualisme certes charmant quand on entend par démocratie : « chacun fait sa cuisine personnelle avec les saveurs du monde passé, on pioche selon ses goûts, on est libre d’aimer le peuple peul et ses chants, le porno, les horigamis japonais, la passion pour les maquettes, l’informatique les pokémons et la chanson française ».

 

Vous avez un panel, un cocktail de l’histoire humaine devant vous, prenez ce qu’il vous plaira mais n’emmerdez personne avec ça.

Le problème, c’est « n’emmerdez personne avec ça », parce qu’un monde social équilibré, c’est quand une partie de ce qui concerne l’un concerne l’autre.

Et les habitudes de vie commune, les chants collectifs spontanés dans les villages, les vieux sur les bancs qui parlent aux jeunes qui passent, les femmes qui prennent en main les enfants qui traînent même si ce n’est pas les leur (comme en Afrique et en Amérique latine : pays où nous allions chercher fascinés, ce qu’inconsciemment nous avions égaré), tout cela a disparu aussi vite que les ours Polaires pendant la fonte des glaces.

 

Quand j’étais jeune, je voyais les skins porte de Clignancourt, dont un, fier, rigolard et méchant, perché sur son muret aux puces, qui se demandait sur qui il allait bondir, et il n’avait besoin de bondir sur personne parce que tout le monde s’écartait naturellement devant cet oiseau malin et magnifique, aux couleurs étonnantes.

 

 La fonction du Skinhead d’autrefois, celui qui fait peur immédiatement. Après des années de distorsion du réel=Djihad.

 

Les ramoneurs de Belleville, leur haine de la musique.

Ils sont deux ramoneurs.

L’un est breton en Bretagne on l’appelle Ben Laden.

Il voit des instruments de musique chez moi, il me dit « c’est pas bien ».

C’est le mal.

Et les suffis grands pratiquants musulmans, musiciens.

Les tarés qui rentrent en transe, qui sont dans une secte, ça va pas, non ?

Lui il vient des boîtes de nuits, le boum boum, la drague, l’alcool.

 

Les professeurs, garant de la transmission diront : on ne peut pas tout distinguer, notre tâche est déjà lourde.

Ils ont fait ce qu’on leur a demandé :suivre le programme au lieu de suivre le monde.

Qu’on leur file assez de tunes à la fin du mois, ce sont eux qui suivent le monde.

C’est à nous tous de suivre le monde, aussi fâcheux soit t il, fabriqué aussi par des millionnaires insensibilisés au réel, mais aussi par nous tous.

 

On a parlé de Balavoine parce que je disais combien j’étais content que le Paris-Dakar doivent s’arrêter : prendre la planète comme un terrain de jeu a ses limites, et ces même limites sont à présent maladroitement imposées par des gens violents qui détestent tous les mécréants, à la recherche d’une pureté qui n’existe pas.

Et si un jeune converti à l’islam radical  underground s’était plutôt habitué à l’internet, aura t il le droit de demander 70 cougars plutôt que 70 vierges après son action martyr ?

 

Il paraît qu’il y a une version du chanteur

 

On n’ a pas pris dans les bras certains enfants.

 

Quand certaines aigreurs profondes sont bien arrimées, le premier qui passe est un prétexte : on se trompe d’ennemi mais tout passant est bon à prendre.

 

La mécanique de mettre hors jeu, hors humanité celui sur qui l’on projette ses propres douleurs.

 

En me touchant sur la canapé du gîte, j’imagine qu’un des jeunes partis pour Daesh se fait griller entrain de se toucher à un moment d’égarement, là bas, sous sa tente, un moment où Allah ne le regarde pas et où il recherche la saveur française laïque, comme quand je rêvais de manger du saucisson en Chine, en pleine nuit.

Ils le grillent la bite à la main et lui tirent une balle dans la tête.

 

À présent je me dis en rangeant les allumettes dans leur boîte que ces jeunes là partis pour  être des  guerriers manquaient de petits actions sans valeur comme ramasser de petits bouts de bois, ou faire tous les petits gestes qui ne rapportent rien, gestes pauvres qui à eux seuls déconstruisent toute la machine gigantesque de gain permanent- profit immédiat, fumée invisible qui aurait guidé l’action de tant de corps perdus devant  les écrans  plasma lisses.

 

Le libéralisme est une arme contre le narcissisme, et contre la carrière des artistes, tant mieux, on est tous nus, pas de paillettes, pas de rêves.